Grades d’une armée féodale japonaiseDe la « tête » aux « pieds légers »
Loin d’être une simple « levée en masse » chaotique, l’organisation d’une force armée dans le Japon féodal est, à l’instar de la société contemporaine, strictement codifiée. Rangs et titres correspondent à autant de fonctions précises attribuées selon le mérite, la compétence ou l’expérience. Revue des troupes !
Le titre « taishô » revient fréquemment. S'il est souvent traduit par "général", il signifie plutôt "officier", ou "commandant" d'une armée ou plus modestement d'une unité. « Bugyô » signifie "intendant", et « kashira » signifie "chef".
> sô-daishô / sô-taishô , ou shushô
Le sô-daishô commande à toute une armée. Cette fonction est le plus souvent remplie par le daimyô du clan. Au cours de la bataille, il se trouve en retrait pour pouvoir calmement analyser l'évolution du combat, et donner des instructions précises. Si la bataille tournait à son désavantage, et que sa sécurité se trouvait compromise, il lui serait malvenu de perdre son calme et de fuir à toutes jambes. Le sô-daishô se doit de montrer le bon exemple à ses vassaux, sans quoi la prospérité de son clan pourrait être compromise.
> fuku-taishô , fukushô , ou jishô
Le fuku-taishô remplit les fonctions d'adjoint du sô-daishô
> waki-daishô
Comme le fuku-taishô, il assiste le sô-daishô et s'occupe des formalités administratives. Alors que la fonction de fuku-taishô n'est utilisée qu'en temps de guerre, celle de waki-daishô est définitive, même en temps de paix. Elle est le plus souvent confiée aux vétérans du clan, selon leurs aptitudes et leur caractère.
> sakite-daishô
Le sakite-daishô dirige une section qui combat en première ligne. Les taishô les plus téméraires demandent à combattre à l'avant car les occasions de s'illustrer au combat y sont bien plus nombreuses.
> ikusa-daishô
Le jour de la bataille, l'ikusa-daishô peut être investi des pouvoirs du sô-daishô pour commander l'armée sur le champ de bataille.
> musha-daishô, ou musha-bugyô
Le musha-daishô commande à tous les kiba-musha (guerriers à cheval) de l'armée. Cette importante fonction, confiée aux vassaux les plus éminents, est temporaire le temps de la bataille. À la fin de la Période des Provinces Combattantes, cette fonction est devenue définitive.
> samurai-daishô
Durant la période de Kamakura, un samurai-daishô était un bushi qui commandait une section de samurai à pied. Durant la Période des Provinces Combattantes, cette fonction s'est retrouvée au même rang que celle d'ashigaru-daishô, et commande tant des samurai que des ashigaru. Le nombre d'hommes sous ses ordres diffère selon les fiefs, mais habituellement, il est de l'ordre de trois cents hommes.
> hata-daishô , hata-bugyô , ou nobori-bugyô
En temps de paix, le hata-daishô s'occupe des bannières (hata ) et étendards (nobori ) du fief. En temps de guerre, il doit se trouver auprès d’un taishô et vaillamment protéger sa bannière. Quand la bataille se déroule bien pour son camp, c'est une fonction plutôt modeste où il se contente de tenir sa bannière sans avoir à combattre. Mais si cela tourne mal, il doit tout de même tenir sa position, et en aucun cas laisser l'ennemi lui prendre sa bannière. Si cette dernière venait à tomber, le moral de la section s'en ressentirait. Cette fonction recquiert beaucoup de sang froid.
> ashigaru-daishô
Un ashigaru-daishô est un kiba-musha (guerrier à cheval) qui commande aux ashigaru. Selon les fiefs, sa section va d'une dizaine d'ashigaru à plus d'une centaine, accompagnés d'autres kiba-musha. En cas de mêlée, il ne doit pas se contenter de commander et d'encourager ses subordonnés. Il se doit d’aller au contact lui aussi. En tant que combattant en première ligne, un ashigaru-daishô doit être courageux et vigoureux.
> nagae-daishô , ou yari-bugyô
C'est un bushi qui commande un yari-gumi (section de lanciers). Les lances sont utilisées pour les tactiques de groupe. Dans l'armée de Uesugi Kenshin, les samurai-daishô étaient suivis par un kumi 組 de lancier. Dans celle de la famille Takeda, chaque yari-bugyô commandait entre dix et quinze samurai à cheval, et de cinq à dix ashigaru.
> yumi-daishô , yumi-bugyô , ou yumi-gashira
Il commande les ashigaru d'un yumi-gumi (section d'archers). Quand les mousquets se sont généralisés, les archers tiraient pendant que les mousquetaires rechargaient.
> teppô-daishô , teppô-kumigashira , ou teppô-gashira
Il commande les teppô-ashigaru (mousquetaires). À l'époque à laquelle les mousquets ne s’étaient pas multipliés, ils combattaient aux côtés des archers. En temps de pluie, l'utilisation des mousquets était plus délicate. Les hommes devaient veiller à bien ranger leurs mèches dans des sachets de cuir pour éviter qu'elles ne s'éteignent. Le teppô-daishô devait être capable d'évaluer exactement lorsque l'adversaire était à portée de tir.
> gunshi , gunkan , ou gunsha
Avant la Période des Provinces Combattantes, le gunshi avait pour fonction de présager s'il s'agissait d'un jour propice à la bataille ou non, comme le ferait un devin. Durant la Période des Provinces Combattantes, c'est devenu une fonction de conseiller en stratégie attaché au sô-daishô. Souvent, c'est un fuku-taishô ou un waki-daishô qui occupe cette fonction.
> ikusa-metsuke (inspecteurs des armées)
L'un des ikusa-metsuke se trouve auprès du sô-daishô et du gunshi pour analyser les conditions de la bataille. C'est le ômetsuke (grand inspecteur). Les autres inspectent les alentours du bivouac pour s'assurer de la position des troupes et du moral des hommes.
> tsukaiban , ou gunshi (courriers)
Le rôle du tsukaiban est de transmettre de façon précise les ordres de son seigneur à ses alliés. Cette charge incombe aux hommes d'esprit sachant faire preuve d'une certaine éloquence. Les tsukaiban chevauchent seuls, sans se cacher. Pour qu'on puisse bien les reconnaitre, ils portent souvent une bannière attachée dans le dos. Les bannières des tsukaiban du clan Takeda "la Compagnie des Mille-Pattes". Celles de la famille Tokugawa portent le caractère chinois "cinq" . Beaucoup de tsukaiban portent un horo, un piece de tissu attachée dans le dos de leur armure, qui se gonfle lorsqu'ils sont au galop, et qui est censée protéger des flèches. Quand on a besoin de dépêcher un courrier dans le camp ennemi, c'est un tsukaiban qui est envoyé. Ce dernier se doit de rester courtois avec l’ennemi, et en aucun cas le mettre en colère, ce qui discréditerait sa propre armée. Ce poste nécessite beaucoup d'audace et de prestance.
> ban-gashira et kumi-gashira
Les samurai et les ashigaru étaient répartis dans des kumi (groupes), dont le chef (kashira) était appelé kumi-gashira. Il y avait plusieurs sortes de kumi : yumi-gumi , teppô-gumi , yari-gumi , kachi-gumi (section de fantassins), etc. Plus les sections de gardes restées au château : monban-shû (gardes des portes), jôban (gardes du château), et rusu-shû (compagnie de faction au château).
Un ensemble de kumi s'appelle un ban, dirigé par un ban-gashira. Sur un champ de bataille, les ordres de ce dernier étaient sans appel.
> ashigaru , ou zôhyô
Les ashigaru sont les combattants de la classe la plus basse. Ils différaient selon les périodes, et les conditions des provinces. Depuis la fin de la période de Heian, ils étaient recrutés parmi les criminels, les aventuriers ou autres. Dénués de tout sens du devoir envers leur seigneur, ils fuyaient souvent si la bataille tournait mal, et lorsqu’ils gagnaient, ils s'adonnaient hardiment au pillage et à la violence, ce qui était considérablement déplaisant. Les ashigaru d'Oda Nobunaga, qui avait précédé l'édit de séparation des guerriers et des paysans promulgué par Toyotomi Hideyoshi, faisaient partie intégrante de son armée, alors que ceux des autres seigneurs travaillaient habituellement dans leurs champs, et lorsqu'une bataille s'annonçait, ils quittaient leur famille pour partir à la guerre. Comme les ashigaru se retrouvent toujours en première ligne, beaucoup étaient terrifiés et finissaient par déserter, malgré les ordres stricts de ne jamais abandonner leur seigneur.
> shinobi ; ("furtifs")
Originellement, la fonction des shinobi est de rassembler des informations bien avant la bataille : quelles sont les troupes mobilisables par l'ennemi, Les récoltes ont-elles été fructueuses cette année, quelles relations l’ennemi entretient-il avec leurs voisins, etc, jusqu'à des détails qui peuvent paraître insignifiants. Puis ils les transmettent à leur seigneur. Les shinobi ne se battent pas sur le champ de bataille, et restent plutôt derrière les lignes. Si celles-ci sont enfoncées, et que même les fidèles vassaux du seigneur l'ont abandonné, il arrive que les shinobi combattent jusqu'à la mort pour le protéger.