La Grande Armée est étroitement liée à Napoléon et la guerre. Immense force de combat, elle l'a suivi dans toute l'Europe.
Le terme "Grande Armée" apparaît officiellement pour la première fois en août 1805 lorsque l'armée du camp de Boulogne est mise en route vers le Rhin.
Il y a eu en réalité plusieurs Grande Armée. Entre celle d'Austerlitz et celle de la campagne de France, la différence est énorme. Mais si des abîmes séparent les différentes "Grande Armée", elles ont toute en commun une certaine faiblesse dans l'organisation de leurs services, la vaillance de leurs soldats et la foi dans leur chef.
Pour bien comprendre la tactique napoléonienne il est indispensable de connaître son outil.
La conscription
Le recrutement est hérité de la révolution. Il reste fondé sur la loi Jourdan du 5 septembre 1798, qui institue la conscription.
Tout Français âgé de 20 à 25 ans doit effectuer son service militaire. Il existe cependant de nombreuses dispenses: les hommes mariés, chargés de famille, les séminaristes depuis le Concordat, et le remplacement, qui devient légal le 18 mai 1802.
Le soldat de l'Empire est en grande majorité un rural (environ 80%).
Étant donné le grand nombre de réfractaires dans les département du Midi,
les troupes sont essentiellement composées d'hommes du Nord et de l'Est.Sous le Consulat c'est le Corps Législatif qui fixe le nombre des appelés, mais depuis 1805 c'est l'Empereur lui même. Jusqu'en 1807 le poids de la conscription reste encore supportable, il touche 60 000 hommes sur un contingent de 250 00. Cependant avec les défaites de la fin du règne la conscription devient très lourde et il se forme de véritables maquis.
De 1800 à fin 1812 Napoléon a levé 1 100 000 hommes, dans une France qui devait avoir 29 millions d'habitants dans ses limites actuelles. Dans l'Empire tout entier l'Empereur recrute 2 113 000 hommes de 1805 à 1814. L'appel aux étrangers a été grandissant, c'est ainsi qu'on passe de l'armée d'Austerlitz, héritière de la Révolution à celle de la campagne de Russie, une armée composée de multiples nationalités qui ne se comprennent pas entre elles.
L'équipement
Le bagage:
Le fusilier, outre son uniforme, porte son fusil et sa baïonnette, ainsi qu'une giberne garnie de ses munitions (deux paquets de cartouche) ainsi que du matériel nécessaire pour entretenir son fusil. Pour se nourrir il transporte théoriquement du pain pour quatre jours ainsi que de la viande pour deux jours, mais il se nourrit généralement chez l'habitant. Au total le fusilier porte environ 24 kg de paquetage.
Chez les voltigeurs le poids est légèrement inférieur, tandis qu'il est supérieur (environ 27kg) chez le grenadier.
L'armement:
Napoléon est hostile à toute innovation technique: fusées de Congrève, ballons d'observation, fusils à tir rapide (Pauly)... Il fait toutes ses campagnes avec des armes issues de l'Ancien Régime.
L'infanterie est équipée du fusil de 1777 qui tire quatre coups en trois minutes en moyenne, et reste sûr jusqu’à 200m. Long de 1,52 m, il possède une baïonnette ,qui permet le tir en position fonctionnelle, longue d'environ 40 cm. Elle possède en outre un sabre briquet court (74cm environ).
La cavalerie porte le sabre de cavalerie légère, long de 88cm , le sabre de grosse cavalerie mesurant 97cm, plus lourd, ainsi que le sabre de dragons.
Les lances sont utilisés par les chevaux-légers polonais, elles mesurent 2,80m.
Les dragons portent de courts fusils (1,4 m) pesant environ 4,275 kg, tandis que la cavalerie légère utilise le mousqueton, et les officiers la carabine.
L'artillerie conserve le canon Gribeauval qui envoie des boulets de 4, 8 ou 12 livres à raison de 2 par minutes et qui est bon jusqu'à 600m. En plus des canons, l'artillerie est également dotée d'obusiers, pouvant tirer en tir plongeant, ainsi que de mortiers.
Très performant, ce système d'artillerie a joué un grand rôle dans les victoires de l'Empire.
Le fusil modèle 1777
Les Services
Les services restent la partie la plus médiocre.
La solde (5 sous par jour environ) arrive parfois avec un retard d'un an; l'argent manque et les contributions prélevées aux vaincus, qui remplissent les caisses tant que la Grande Armée est victorieuse, ne peuvent plus assurer le paiement des soldats avec les défaites de la fin du règne.
L'habillement est également fourni par l'Intendance, notamment les chaussures. Les soldats portaient des souliers, indifférenciés entre le pieds droite et le pieds gauche, qui étaient généralement en veau. Leur semelle est cloutée, et ils se ferment grâce à un lacet. Ils sont portés avec des guêtres.
Les bottes sont essentiellement portées par les cavaliers, ou par les officiers. Dés le camp de Boulogne Napoléon, qui a souffert du manque de chaussures durant la première campagne d'Italie, met en place des magasins à Strasbourg, qui en produisent des dizaines de milliers.
Le ravitaillement, en partie du fait du type de campagne de Napoléon, est trés insuffisant. Napoléon dira en 1812 : "Depuis vingt ans, je n'ai jamais vu l'administration de la guerre plus nulle". Cependant la guerre éclair ne permet pas au ravitaillement de suivre, et les soldats se nourrissent sur le pays.
Les transports sont confiés à des entreprises privées. Cependant à partir le 26 mars 1807, Napoléon ordonne la formation de huit bataillons d'équipage de transports militaires, appelés train des équipages. Ceux ci se distingueront dans toute les campagnes, notamment lors de la retraite de Russie.
Le service de santé reste le même. Ses lacunes sont elles aussi dues à la rapidité des troupes. Rien n'est prévu pour les blessés et les malades en campagne. Malgré les efforts de grands chirurgiens tels Larrey, Percy ou Heurteloup, les hôpitaux de campagnes sont d'effroyables mouroirs où les épidémies se propagent très rapidement. On estime que le système de santé parvient à sauver environ 40% des blessés.
Ces lacunes dans les services ont des répercussions sur la discipline, les soldats préférant se débrouiller eux-mêmes.
Organisation
Ici l'organisation du premier corps de la Grande Armée durant la campagne de Russie. Ici l'organisation du premier corps de la Grande Armée durant la campagne de Russie.
Napoléon modifie profondément la structure de l'armée pour en faire un usage plus mobile.
Il organise la Grande Armée en corps, sorte d'armées miniatures capables d'agir isolément, composés de 15 000 à 45 000 hommes.
L'infanterie:
Chaque corps d'armée comprend deux à quatre divisions d'infanterie, unité tactique comprenant entre 5000 et 10 000 hommes, et une brigade ou une division de cavalerie légère (éclaireurs, chasseurs), de l'artillerie divisionnaire et de réserve, du génie et des services.
La division, unité de base de l'armée, est composée de trois à cinq régiments d'infanterie dont en général un d'infanterie légère, regroupés en brigades. Outre son infanterie la division dispose généralement d'une ou deux compagnies d'artillerie possédant chacune six canons, d'une ou deux compagnies du train d'artillerie, d'un élément du parc d'artillerie et d'une compagnie ambulance.
Chaque régiment contient théoriquement cinq bataillons, dont un de dépôt (pour former les jeunes recrues). En réalité ce nombre sera rarement atteint.
Chacun de ces bataillons est lui même composé de quatre à dix compagnies, la plus petite unité tactique, comptant chacune environ 100 hommes. Tous les bataillons de ligne contiennent quatre compagnies de fusiliers et deux compagnies d'élite (une de grenadiers et une de voltigeurs).
Cavalerie:
La division de cavalerie est composée de quatre ou six régiments homogènes, c'est à dire uniquement composée de cavalerie lourde (cuirassiers ou carabiniers), de dragons ou de cavalerie légère. A partir de 1812 un régiment de chevau-légers-lanciers est attaché à chaque division de cuirassiers.
Artillerie:
Dans le corps d'armée on trouve des compagnies d'artillerie de corps, ainsi qu'un parc. Il y a également de l'artillerie divisionnaire.
La Garde Impériale:
La Garde Impériale devient à partir de 1812 un véritable corps d'armée à quatre divisions d'infanterie et une de cavalerie.
La cavalerie de la Garde se développe également. Aux deux corps primitifs, l'un de chasseurs et l'autre de grenadiers, viennent s'ajouter un régiment de dragons et un régiment de chevau-légers polonais. En 1813 des escadrons de Jeune Garde sont ajoutés à chaque régiment.
L'artillerie de la Garde ne cesse de croître, on passe de deux compagnies d'artillerie à cheval en 1805 à vingt neuf compagnies dont sept à cheval en 1814.
Formations de combat
C'est au camp de Boulogne que se forme une véritable "doctrine" de combat pour l'armée. Bien que Napoléon préconise de ne rien prescrire d'absolu il impose à son armée une tactique de fait, celle qu'il a appliquée durant la première campagne d'Italie. Inspirée de l'ordre mince et du choc révolutionnaire, elle servira de base pour l'instruction des régiments. Elle est résolument tournée vers l'attaque.
Lors de la bataille, les deux brigades de la division d'infanterie s'engagent côte à côte, le premier régiment de chaque brigade en ordre de bataille, le second en colonne serrée. Une nuée de tirailleurs, tirés essentiellement des compagnies de voltigeurs, est disposée en avant du gros de la troupe. Très mobiles, les tirailleurs peuvent faire de gros dégâts dans des troupes manœuvrant "à la prussienne", c'est à dire en ordre serré. La mission de ces hommes est épuisante, ils sont donc relevés toutes les deux heures.
Derrière les tirailleurs la première ligne de combat se déploie . Les bataillons forment un front ininterrompu avec leurs compagnies, avec des fois dans les intervalles des pièces d'artillerie de soutien direct. Les ordres sont transmis à la voix ou au tambour, au cornet chez les voltigeurs.
Les compagnies déploient leurs hommes sur deux ou trois lignes, la première ligne faisant feu en premier. Après la première salve les fantassins n'utilisent plus que le feu à volonté.
La deuxième ligne est elle déployée en colonne de "division", c'est à dire avec deux compagnies de front dans chaque bataillon. Organisés pour soutenir le choc, les hommes sont lancés contre les troupes ennemies. Ils combattent ensuite à la baïonnette.
Cette formation en colonne de division permet de passer rapidement en formation de bataille ou de former le carré de bataillon, le plus utilisé en pratique (le carré de 4 bataillons était recommandé en théorie).
Durant la bataille on assiste donc à de multiples va et vient des armées, certaines positions changeant parfois plusieurs fois de mains au cours de la bataille. Ces manœuvres complexes et éreintantes nécessitent des soldats entraînes et expérimentés, ce qui fera défaut dés 1807, alors que se raréfient les éléments de l'armée de Boulogne.
Formations d'une division au combat
Les Batailles
Symbole de l'époque, les noms des grandes batailles sont inséparables du personnage de Napoléon.
Ce sont des affrontements gigantesques où s'affrontent plusieurs milliers d'hommes. Chefs d’œuvre de stratégie et de tactique elles illustrent bien le génie