Odeurs pestilentielles, noyades, fièvres, maladies… Pour en finir avec l’insalubrité des marais de Bourgoin, Napoléon Ier décide en 1805 de les assécher. Un chantier titanesque, qui concernera 4 500 hectares et 21 communes du Nord-Isère.
On ne peut voir, sans en être douloureusement affecté, la triste situation des riverains de ces marais, au teint livide, au ventre bouffi, souffrant d'obstructions, de fièvres et affligés d'une vieillesse anticipée. » C’est en ces termes que le célèbre botaniste Varenne de Fenille décrit l’insalubrité des marais de Bourgoin, en 1807.
Ces terrains marécageux sont utilisés depuis des siècles par les paysans : ils y font pâturer le bétail et récoltent la laîche servant à confectionner la litière d’hiver des animaux d’élevage. Ces terres sont essentielles aux cultures vivrières de nombreuses familles alentours, mais elles sont aussi sources de graves désagréments : odeurs nauséabondes, prolifération des maladies digestives, des fièvres paludéennes… Sans compter les noyades dues à l’instabilité et à la profondeur des marais : « Le bétail qui s'éloigne un peu trop des bords est quelquefois englouti et disparaît tout à coup, écrit Varenne de Fenille. De nombreux voyageurs s’y noyèrent.»
Face à cette situation, l’empereur Napoléon Ier décide d’intervenir. Le 5 juillet 1805, il ordonne par décret impérial l’assèchement des marais, et marque ainsi le coup d’envoi d’un projet de grande ampleur : mettre fin à l’insalubrité de milliers d’hectares et les transformer en riches terres agricoles. Deux siècles après les premières tentatives et de nombreuses péripéties des travaux exceptionnels peuvent enfin débuter !
Louis XIV déjà souhaitait l’assainissement des marais de Bourgoin. En 1668, il confie cette tâche au maréchal de Turenne, à qui revient la concession des terrains. Mais Turenne meurt au combat. Son héritier, Godefroy de la Tour d’Auvergne, engage deux ingénieurs hollandais, les frères Coorte, pour entreprendre les travaux. En 1686, un traité est conclu pour le partage des futures terres asséchées : 7/10è reviennent aux Coorte, 3/10è aux communes et aux particuliers ! Ce partage est mal perçu par la population, qui se sent dépossédée. Les travaux ont lieu dans une ambiance hostile, avec de nombreux actes de vandalisme. Les frères Coorte sont finalement contraints de renoncer. Ils meurent peu après, ruinés. On raconte même qu’ils auraient été assassinés et enterrés quelque part dans les marais.
Un chantier colossal
Le premier “coup de pioche” est donné le 25 novembre 1808, à Chamagnieu. C’est le début d’un chantier titanesque, mené par la société Bimar de Montpellier : 600 ouvriers sont mobilisés pour creuser des centaines de canaux. Alors que les guerres napoléoniennes vident le pays de ses hommes, la main d’œuvre est difficile à trouver et on recourt à 400 prisonniers espagnols. Les travaux se déroulent dans des conditions souvent difficiles, dues à de nombreuses intempéries. Malgré tout, l’ensemble des marais sont drainés et le chantier s’achève en 1814, dans les délais exigés par Napoléon. Les terres sont alors mises en culture et donnent bientôt de magnifiques récoltes.
Aujourd’hui, près de 210 ans après la décision de Napoléon, le Syndicat intercommunal des Marais de Bourgoin, composé de 21 communes, est propriétaire de 165 km de canaux, qui drainent 4 400 hectares.
Source :
"Historique de l’assèchement des marais de Bourgoin et Morestel", par Annick Meneau et Georges Carrabin
Bonaparte avait chargé le préfet Joseph Fourier de deux réalisations exceptionnelles, l'ouverture d'une route vers l'Italie et l'assèchement des marais de Bourgoin.
La route de la Romanche
De Grenoble vers l'Italie, il existait autrefois un itinéraire difficile, réservé aux piétons et aux mulets ; il suivait le lit de la Romanche jusqu'à sa jonction avec le Vénéon, puis escaladait la montagne de Lans en direction de Mont-de-Lans (il subsiste des vestiges de ce chemin en aval de Bons sous le nom de porte romaine). Il était impossible d'y faire passer une armée moderne avec son artillerie et son intendance. Bonaparte voulait une route militaire. Trois projets furent étudiés par Fourier qui se rendit sur place : celui du Lautaret et, bien sûr, l'inévitable variante par la Mure et Gap (on ne refait pas le monde !), jugé beaucoup trop long ; la troisième proposition passait par le nord de la Chartreuse (les Echelles), Chambéry, la Maurienne et le col du Mont-Cenis ; cet itinéraire était soutenu par les chartrousins, dont Crétet qui, originaire de Pont-de-Beauvoisin, était leur porte-parole [il deviendra ministre de l'Intérieur sous l'Empire et, à sa mort en 1809, sera inhumé au Panthéon].
La bataille administrative fut rude, mais, finalement, le projet soutenu par Fourier, bien préparé, fut accepté par Bonaparte en février 1804 : il passait par la vallée de la Romanche, le Lautaret, Briançon et le col du Mont-Genèvre. La construction fut très difficile, comme on s'y attendait ; on sait que cette route suit la Romanche de très près et qu'elle est souvent taillée dans le roc à flanc de montagne avec de nombreux tunnels et des galeries ouvertes. Plus de 400 ouvriers travaillèrent à ce chantier. Fourier les suivit attentivement durant tout son mandat, mais il dut quitter ses fonctions avant l'achèvement de la route